10/16/2012 14:15 GMT
Par Habibou BANGRE
GOMA (RDCongo), 16 oct 2012 (AFP) - "Ici, nous vivons en parasites, nous n'avons rien à faire! Nous chômons!", tempête Elias, 22 ans, installé à Kanyarucinya, un camp de l'est de la République démocratique du Congo où 55.000 personnes ont fui des combats entre l'armée et la rébellion du M23.
L'armée combat depuis mai le M23, surtout composé de mutins ex-membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), une rébellion intégrée dans l'armée en 2009. Les affrontements, qui connaissent une accalmie relative, ont fait plus de 300.000 déplacés et réfugiés au Rwanda et en Ouganda voisin.
Kanyarucinya, d'où l'on voit le volcan Nyiragongo, est à quelque 10km de Goma, capitale de la province instable du Nord-Kivu, et à 17km de la ligne de front. En 2008-2009, à l'époque du CNDP, des déplacés s'étaient déjà rendus à Kanyarucinya, selon Jérôme Merlin, du Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).
"J'étais déjà là en 2008, confirme Mburano, 55 ans. Mais c'est la troisième fois que je me déplace à cause des rébellions: il y a eu le CNDP, le M23 mais aussi le RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie). C'est la vie! Nous sommes forcés de vivre ça mais notre souhait est de rentrer chez nous."
Les déplacés, en majorité des femmes et des enfants, sont arrivés par vagues depuis juillet. Ils ont abandonné leurs champs et leurs élevages. Ils "avaient (et pour certaines ont toujours) un besoin urgent d'assistance alimentaire", souligne le Programme alimentaire mondial (PAM), à la recherche de fonds.
Pour survivre, Jeanine, 26 ans, qui a fui avec ses quatre enfants et son mari, fait du petit commerce. "Une voisine qui est partie avec nous m'a fait un prêt. C'est comme ça que je vends des tomates et des petits poissons. Mais ça marche au ralenti", murmure-t-elle.
Le mari d'Annuarite, comme celui de Jeanine, est sans emploi. "Je n'ai pas d'activités fixes. Certains m'emploient pour vendre, et parfois je dois transporter des choses en ville. Je gagne un dollar", raconte cette mère de trois enfants.
Mungu, qui a perdu son travail de moto-taxi, peine à joindre les deux bouts: "Ma femme ne travaille pas et moi je vais cultiver dans le champ d'autres personnes, pas très loin. Je gagne 800 francs congolais (moins d'un dollar) par jour".
Des bons d'achats plutot que des dons en nature
Le PAM a distribué des rations alimentaires (farine, haricot, sel, huile), des biscuits énergétiques et des bons d'achats qui ont permis de nourrir à Kanyaruchinya 55.000 déplacés entre juin et octobre, mais des bénéficiaires se plaignent de l'insuffisance des rations.
En revanche, ils apprécient les bons d'achats, qui leur permettent d'acheter des aliments sur des marchés. Toutefois, "ce n'était pas assez, taquine Annuarite. C'est 65 dollars par famille, et moi j'achetais, j'achetais... alors que l'argent était déjà fini!"
Alain, lui, vit "seulement de l'aide humanitaire". "Si elle s'épuise, on va voir des proches à Goma pour voir s'ils peuvent nous ravitailler", explique ce père de six enfants dont la femme a accouché le 1er octobre dans le centre de santé du camp.
"Le problème, c'est la nourriture de celle qui a accouché, poursuit-il. Aussi, sous les bâches on manque de place." Sans parler des pluies diluviennes, dont la saison a commencé, qui traversent les abris et laissent d'énormes flaques qui multiplient le risque de maladie.
Les agences onusiennes et les ONG vont étudier la possibilité de faire de Kanyarucinya un camp viable. Mais "ce n'est pas bon d'avoir un camp aussi important, et les conditions d'accès à l'eau et la sécurité ne sont pas réunies", souligne Jérôme Merlin du HCR.
En attendant une décision, des déplacés craignent que le M23 passe sa menace à exécution et prenne Goma. La Mission de l'ONU (Monusco) a assuré que la ville est imprenable ? Certains se souviennent que, malgré la présence de la Mission, le CNDP était à deux doigts de s'emparer de la ville fin 2008.
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