Sur les pistes du Sud–Kivu, au volant de son 4x4 du Programme Alimentaire Mondial (PAM), Godelive Matata a gagné le surnom de « femme terrible ». Elle est surtout un chauffeur émérite. La profession se féminise de plus en plus et aujourd’hui, comme elle, sept femmes sont au volant des voitures du PAM, toutes sur les pistes difficiles de l’intérieur du pays.
par Djaounsede Pardon
Bukavu, province du Sud Kivu: Dans les rues de Bukavu, certains collègues et parents l’appellent «Maman Matata» ou la «femme terrible». Ce surnom, Godelive Olela, 51 ans, l’a gagné en devenant il y a maintenant 15 ans, la toute première femme chauffeur du PAM en République Démocratique du Congo (RDC).
«Quand j’ai commencé à conduire, tout le monde s’étonnait de me voir au volant», se souvient-elle. «Certains pensaient que j’étais une étrangère. D’autres me classaient dans la catégorie des femmes congolaises à problèmes, des femmes «terribles» qui veulent toujours se montrer égales de l’homme.» En 1997, le bureau du PAM de Kisangani (qui n’existe plus de nos jours) avait lancé un recrutement de chauffeurs pour répondre aux besoins urgents des réfugiés rwandais dans la province Orientale. Parmi la trentaine de candidatures, se trouvait une seule femme, Godelive.
A l’issue d’une compétition très serrée, Godelive a fini par être recrutée grâce à sa parfaite maîtrise des techniques de conduite, acquises lorsque elle était chef de protocole dans un service étatique. Au moment du test, elle était déjà une conductrice émérite.
Les premières années au PAM n’ont pas été faciles. Veuve et mère de trois enfants, Godelive devait quitter la maison chaque jour vers 6 heures, laissant son bébé de trois mois avec une nourrice. Elle ne rentrait qu’après 19 heures, pour retrouver ses enfants et s’occuper d’eux et de la maison. Chaque jour elle les laissait pour pouvoir, seule, les nourrir, les soigner et assurer leur éducation.
En 2007, lors que le bureau du PAM de Kisangani a été fermé, Godelive a été mutée à Bukavu dans la province du Sud Kivu.
Aller jusqu'au bout du monde
C’est là que commence sa véritable lutte contre les préjugés. «Les taximen me disaient de laisser le volant aux hommes ; que ce n’était pas un travail de femme. Ils prédisaient que je ne saurais pas conduire sur les routes défoncées du Sud Kivu. Moi, je leur ai toujours dit que j’irais jusqu’au bout du monde».
En 6 ans, Godelive a parcouru presque toutes les routes les plus redoutables de la province du Sud Kivu, des chaussées défoncées de Kalonge et de Mwenga aux sommets des collines de Fizi en passant par les escarpements les plus dangereux d’Uvira. Le risque lié à la présence des bandits armés le long de ces routes n’ont jamais fait renoncer la «femme terrible».
«Quand je pense aux milliers de familles déplacées, affamées, et sans abris qui n’attendent que notre secours, je me dis que ça vaut la peine que je parte. Je retrouve alors une force intérieure qui éloigne de moi la peur», explique-t-elle.
Question de courage et de détermination
A l’occasion de la dernière journée mondiale de la femme, le 8 mars, «Matata-la terrible» a encouragé toutes ses sœurs à dépasser les préjugés pour affronter la vie en face au même titre que les hommes. «Conduire, n’est pas seulement une affaire d’hommes. C’est tout simplement une question de courage, de maîtrise de soi et de détermination».
Le PAM en RDC comme ailleurs, s’efforce de promouvoir un équilibre entre le nombre d’homme et de femme parmi ses employés.
De même, dans ses programmes et activités sur le terrain, le PAM prend toujours en compte la dimension genre. «Notre programme de cantines scolaires par exemple vise à améliorer la scolarisation des filles, nous faisons en sorte d’intégrer au moins 50% de femmes dans nos programmes de «vivres contre travail», ou dans les organisations paysannes que nous encadrons», indique Martin Ohlsen, directeur du PAM en RDC. «En ce mois de la femme, nous avons une pensée particulière pour toutes nos employés et au-delà pour toutes les femmes congolaises, et surtout les centaines de femmes déplacées qui ont tant souffert », a-t-il ajouté.