Maurice Wa ku Demba
LUBUMBASHI , 25 sep (IPS) - Les maternités qui manquent d’incubateurs (couveuses) à Lubumbashi comme à l’intérieur de la province du Katanga, dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC), élèvent les prématurés avec de l’eau chaude jusqu’à ce qu’ils atteignent un poids satisfaisant.
Dès 6 heures du matin le 2 septembre, Marceline Mbuyi, 34 ans, est déjà sous la véranda de la maternité au centre de santé 'La grâce' du territoire de Moba, au nord du Katanga. Elle chauffe sur un brasier, de l’eau pour ses jumeaux nés après sept mois de grossesse.
Les cris des nouveau-nés par-ci, les va-et-vient du personnel du centre par-là, le tout s’entremêle et déchire le silence du matin.
«Il n’y a pas de couveuse à la maternité. Les infirmiers m’ont demandé de mettre en permanence aux côtés de mes bébés, des bouteilles plastiques contenant de l’eau chaude», affirme Mbuyi à IPS.
Ces bouteilles d’eau chaude, placées de part et d’autre du prématuré, sont enroulées dans un linge pour réchauffer le bébé sans le brûler.
L’eau chaude est renouvelée chaque trois heures. C’est la chaleur qu’elle dégage qui réchauffe, comme dans le sein maternel avant l’accouchement, ces petits êtres très vulnérables, explique Bertine Nsonga, une des sages-femmes de ce centre.
Veiller cependant à la permanence de cette chaleur autour du prématuré n’est pas une tâche aisée. Mbuyi doit se lever même au milieu de la nuit pour vider les bouteilles et y mettre une nouvelle eau chaude. Déjà au neuvième jour, la corvée pèse sur cette mère qui voudrait voir son calvaire finir vite. Mais, elle doit encore prendre son mal en patience.
A la maternité du centre de santé 'Victoria deo' de la commune annexe à Lubumbashi, Nathalie Kasongo est à son 13ème jour avec son bébé prématuré, lui aussi de sept mois. Kasongo ne veut pas que des personnes extérieures s’approchent du petit bébé qu’elle a soigneusement couvert et placé entre deux bouteilles plastiques toutes remplies d’eau chaude.
«Je ne sais pas quel jour je vais sortir», déclare-t-elle de son lit, tournant le regard vers l’infirmière à côté d’elle. Son bébé est le seul prématuré sur cinq naissances dans cette maternité.
«Tout dépend de la façon dont le bébé gagne du poids», explique à IPS Georges Kawel, médecin pédiatre du centre. Kawel ajoute qu’on ne peut pas déterminer à l’avance combien de temps un enfant en déficit de poids va passer dans ces conditions. Lorsqu’il arrive au stade de se réchauffer tout seul, l’eau chaude ne lui servira plus à rien, ajoute-t-il.
«Les enfants, qui naissent avec un déficit de poids dans des structures sanitaires qui manquent d’incubateurs, sont curieusement élevés dans ces conditions», reconnaît Dr Ernest Delile, médecin pédiatre à la zone de santé du territoire de Kipushi.
Ces jours-ci, plus de 200 maternités dans la province du Katanga recourent à cette pratique faute de mieux, indique Delile. Dans trois maternités visitées par IPS début-septembre dans la province du Katanga, il y avait environ 10 prématurés sur 31 naissances.
Toutefois, Dr Elie Lubala, responsable du service de néonatologie à l’hôpital général de référence Jason Sendwe, à Lubumbashi, admet que cette pratique expose les prématurés à divers risques dont celui des brûlures.
L’utilisation de l’incubateur poursuit un double objectif, selon Lubala. Il permet de réchauffer le prématuré afin qu’il atteigne plus de poids, car son système de thermorégulation n’est pas arrivé à maturité. Mais aussi, il isole le bébé parce que la plupart de ses fonctions vitales sont immatures. Et ceci l’expose aux risques d’infections permanentes à l’air libre, notamment lorsque le milieu n’est pas hygiénique.
Dr Lubala conseille de transférer les prématurés - qui naissent dans des maternités non équipées suffisamment - vers les hôpitaux qui réunissent le minimum nécessaire pour les élever.
«Quand l’environnement n’est pas contrôlé en termes de température et d’hygiène, le risque de brûlure et celui d’infection sont permanents pour le nouveau-né», explique-t-il à IPS.
Mais depuis juin, une lueur d’espoir pointe à l’horizon pour le secteur de la santé en RDC. Le gouvernement a financé, à hauteur de 86 millions de dollars, la réhabilitation et l’équipement des structures sanitaires sur l’ensemble du pays, indique à IPS, le ministre de la Santé, Félix Kabange.
Dans l’exécution de ce projet qui vise l’assainissement du secteur sanitaire, 198 hôpitaux et quelque 1.000 centres de santé seront réhabilités et équipés en matériel et en médicaments.
Une partie des équipements commandés est déjà arrivée en RDC pour le compte de 18 hôpitaux et 90 centres de santé de la province du Katanga, y compris des incubateurs pour prématurés, ajoute Kabange. (FIN/2013)