posté le SEPTEMBRE 17, 2015 par ELEANOR HAC
Serge Wingi, Chargé de la Participation des Enfants au sein de la Section Information et Communication de l’UNICEF RDC, a en grande partie coordonné l’atelier national d’enfants qui s’est tenu du 23 au 27 juillet 2015 à Kinshasa à l’occasion du 10ème anniversaire du mécanisme des Nations unies destiné à mettre fin aux violations à l’encontre des enfants en temps de guerre.
C’est à travers une interview exclusive avec Eleanor, chargée de la communication en ligne à l’UNICEF RDC, qu’il nous emmène dans les coulisses de l’atelier et il nous livre surtout ses impressions d’expert sur la participation des enfants à cette célébration.
Eleanor : Est-ce que tu peux nous présenter brièvement cet événement dans son contexte ?
Serge : Nous sommes nombreux à le savoir, l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) est gravement touché depuis des décennies par plusieurs conflits armés. Ce que l’on sait également c’est que les enfants en sont les principales victimes, subissant des atrocités telles que l’exploitation sexuelle, les mutilations suite notamment au recrutement forcé de ces enfants au sein des parties au conflit.
C’est pour cette raison que, depuis près de dix ans, la RDC figure sur une liste « noire » , établie par les Nations Unies de pays sur le territoire duquel se commettent les plus graves violations des droits des enfants en temps de conflit armé. En parallèle, il existe un mécanisme spécial, appelé « Mécanisme de surveillance et de documentation » sur ces violations graves (ou « MRM ») et c’est autour de ce mécanisme que cet atelier d’enfants a été organisé.
Eleanor : Pourquoi cet atelier pour les enfants ? Comment est-il né ?
Serge : Une des politiques de l’UNICEF est d’impliquer les enfants dans les activités qui les concernent. Le dixième anniversaire de ce mécanisme ne pouvait être célébré sans la participation des enfants, et c’est pour cette raison que nous avons organisé cet atelier spécial, principal événement de la célébration.
Le but était de permettre aux enfants de donner leur point de vue sur ce qui se commet à l’encontre de leurs pairs dans les zones touchées.
Il s’agissait donc de réunir des enfants originaires de plusieurs coins du pays pour qu’ils préparent des messages à adresser aux différents décideurs qui estiment être en mesure de faire avancer la cause des enfants.
Avant le déroulement de l’atelier, les enfants étaient amenés, à travers des ateliers provinciaux (dans les Provinces du Nord-Kivu, du Katanga et de Kinshasa, à s’informer sur le vécu de leurs pairs dans ces milieux de conflit armé et de rechercher les mesures mises en place pour tenter d’y mettre fin.
Eleanor : Pourquoi la participation des enfants à ces célébrations est-elle si importante ?
Serge : Les enfants sont les premiers concernés et surtout, ce que nous faisons ici à l’UNICEF dans nos programmes constitue des réponses aux besoins des enfants. Une réponse sous-entend l’existence d’une question et ce sont les enfants concernés par ces besoins qui sont les mieux placés pour poser les questions. L’UNICEF est ainsi plus apte à adapter ses réponses aux besoins.
Eleanor : Quel était ton rôle tout au long de l’atelier ?
Serge : Je suis tout d’abord le Point Focal à l’UNICEF pour tout ce qui se rapporte à la participation des enfants. C’est donc moi qui étais chargé d’organiser la sélection des enfants qui, parmi ceux présents lors des ateliers provinciaux, allaient participer au grand atelier national. Ensuite, mon rôle pendant l’atelier était de veiller au bon respect de l’agenda très chargé qui avait été préparé.
Je devais également m’assurer que tous les enfants, une fois réunis à Kinshasa, soient tous au même niveau en termes de connaissances relatives aux droits des enfants, techniques de plaidoyer mais aussi en termes d’entendement des violations graves en question.
Enfin et surtout, il m’incombait de les aider à acquérir les compétences qui leur permettraient de rédiger des messages de plaidoyer à destination des décideurs.
Eleanor : Quelles activités étaient prévues ?
Serge : Les enfants ont été TRÈS occupés pendant ces quelques jours ! En plus d’activités théoriques sur le mécanisme MRM et les droits de l’enfant, les participants ont été formés aux techniques de plaidoyer.
Dans le but de mieux faire entendre leur voix, les enfants ont appris à identifier les problèmes et leurs auteurs, le lien entre le problème et les droits de l’enfant, ainsi que les obligataires en mesure d’apporter les solutions.
L’atelier était aussi fortement caractérisé par la réalisation d’un court-métrage et par l’enregistrement d’une chanson et d’une émission de télévision sur le sujet des graves violations dont sont victimes les enfants en temps de guerre.
Eleanor : Raconte-nous un peu le tournage du court-métrage.
Serge : Les enfants ne se connaissaient pas tous au départ mais une cohésion s’est très rapidement installée ce qui a fortement contribué à simplifier la réalisation du tournage, bouclé en deux jours seulement !
Pour ce qui est du scénario, nous avons fusionné ceux qui avaient été écrits lors des ateliers provinciaux et puis nous avons réparti les rôles.
N’étant pas des professionnels, j’ai été étonné de voir la facilité avec laquelle les enfants se sont approprié certains rôles.
L’équipe technique, la Maison PSPH, avait déjà eu à travailler avec des enfants donc le contact est bien passé. Et puis, ce qui était pratique c’est que le lieu de l’atelier se prêtait parfaitement à l’environnement que nous cherchions pour donner vie au scénario.
Eleanor : Raconte-nous aussi le tournage du clip pour la chanson interprétée par les enfants.
Serge : Il était question, dans un premier temps, d’identifier les talents des enfants. De manière générale, nous avions vraiment une très belle équipe parce que certains excellaient dans la musique, d’autres dans la rédaction des messages, et d’autres dans l’interprétation.
Les talents se mélangeaient vraiment très bien ensemble.
La version finale de la chanson est en fait une fusion des différentes créations résultant des ateliers provinciaux, comme pour le court-métrage. Je pense que c’était une belle expérience pour les enfants, dont la plupart n’avait jamais mis les pieds dans un studio d’enregistrement !
Eleanor : Qu’est-ce qui t’a le plus marqué lors de cet atelier ?
Serge : Deux choses m’ont particulièrement étonné. La première c’était de voir ces enfants, qui ne se connaissaient pas au départ, fusionner malgré leurs différences. Ils ont vite compris qu’il ne fallait pas forcément être uniforme pour être unis.
La diversité au sein de l’équipe a produit un résultat de bonne qualité.
La deuxième chose qui me vient à l’esprit c’est la capacité de ces enfants à endosser des concepts qui ont été créés par des adultes : le mécanisme de surveillance, les violations graves, etc. et à exprimer ce qu’ils en pensent. C’est impressionnant. Ils ne théorisent pas ce qu’ils ont appris mais plutôt, ils le rapportent à leur vécu, que celui-ci ait été auriculaire ou visuel.
Eleanor : Selon toi, la situation va-t-elle s’améliorer ?
Serge : La situation s’est déjà améliorée parce que nous constatons que de nombreux acteurs concernés prêtent désormais l’oreille à la voix des enfants, premières victimes des conflits.
Par ailleurs, le mécanisme a porté ses fruits en ce sens que l’on ne recense quasiment plus d’enfants enrôlés dans les forces armées de la RDC. Cela nous donne davantage d’espoir de voir ce progrès atteindre les groupes armés également.
Enfin, à long terme, nous pouvons espérer que les enfants d’aujourd’hui, si conscients des méfaits de la guerre et si engagés dans la lutte contre ces derniers, seront les décideurs de l’avenir et sauront prendre les mesures qui éviteront que les erreurs du passé se reproduisent et que leurs conséquences ne soient plus jamais subies.
Il est donc primordial d’impliquer les enfants dans ce type de débat, aussi cru soit-il.
Eleanor : Un dernier mot pour résumer ce que tu as vécu tout au long de l’atelier ?
Serge : Tu ne peux pas imaginer combien ça me passionne de passer ces moments avec ces enfants. Ce sont ces moments qui donnent un sens à mon travail à l’UNICEF. J’ai la nette impression que nous sommes en train de bâtir quelque chose dont les résultats vont durer dans le temps. L’UNICEF contribue à la construction d’une nation sur des bases solides et même si ça prend du temps, mes résultats seront eux aussi durables.
À propos de l’UNICEF
L’UNICEF promeut les droits et le bien-être de chaque enfant, dans tout ce que nous faisons. Nous travaillons dans 190 pays et territoires du monde entier avec nos partenaires pour faire de cet engagement une réalité, avec un effort particulier pour atteindre les enfants les plus vulnérables et marginalisés, dans l’intérêt de tous les enfants, où qu’ils soient. Pour en savoir plus sur l’UNICEF et son action : www.unicef.org/french
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